Automne 2023
Au début, c’est grisant.
Tout est à découvrir. Le temps, le paysage, les villes, les bâtiments, les magasins, les gens, la langue, l’histoire, les différences et les ressemblances.
Je me souviens. Du premier jour, du froid mordant, de la route la nuit de Montréal à Québec, du studio meublé, de l’odeur du renfermé.
C’est clair comme hier. Nos 7 valises dans cet appartement en arrivant. Du lendemain, marcher dans la neige avec de mauvaises bottes, emporter ma première boîte à lunch, arriver aux bureaux travaillant, écouter cet accent inconnu.
C’était tellement excitant toute cette nouveauté. Ces nouveaux gens, cette nouvelle nourriture, cette nouvelle culture.
Et puis. on s’est habitué.
Ces gens sont devenus des collègues, des amis. Et tout s’est construit.
C’est devenu chez nous.
Le froid l’hiver, les moustiques au mois de juin, les fraises en juillet, les bleuets sauvages, l’air salé du fleuve, le camping dans le bois, l’automne coloré, le pique-nique annuel aux pommes, les pneus d’hiver, les chalets Sepaq, les feux dehors…
C’est beau le Québec.
Montréal la ville, Québec l’histoire, le bord du Fleuve, l’Isle aux coudres et son grand ciel, les bélugas dans le fjord, les baleines à nos pieds, les Chics-chocs venteux, le rocher de Percé au loin, le chemin du dragon au Bic, la fin de la route à Natashquan, le vélo au Lac St-Jean, le canot sur la Jacques Cartier, les Hautes Gorges en automne…
C’est bon aussi.
La charcuterie des îles de la Madeleine, la poissonnerie de Kamouraska, la boulangerie de Stoneham, les guédilles au homard, les crabes des neiges, le sirop d’érable, le porc effiloché, le fromage de chèvre de chez Cassis et Mélisse, les bagels Mac Guire, le café Nektar, les crêpes épaisses…
On a bien profité.
La découverte était si belle. On a traversé le pays, de bas en haut et d’un océan à l’autre. On a vu toutes les provinces, goûté à tous les paysages, décelé tous les trésors. Et on est allé plus loin encore. On a mis le pied dans l’Arctique, vu les glaciers, franchi les canyons, parcouru les états en van, en train.
On a connu la liberté, la nature, le sauvage et l’amitié.
On est devenu une famille.
Les années sont passées vite. On a tous eu des enfants en même temps. On s’aidait comme on pouvait, on profitait des repas et week-end, on a traversé la vie ensemble un boute. Les autres enfants, c’était comme des cousins. 12 ans sont passés comme ça, comme un coup de vent.
Et le vent a tourné.
L’hiver est devenu trop long, la routine difficile. On ne savait plus où aller pour se dépayser et on s’est mis à passer plus de temps en France l’été.
Notre liberté s’est fatiguée.
On s’est senti devenir expatriés. Comme si chez nous n’était plus ici.
Et puis tout le monde est parti. Chacun suivant son bout de chemin.
Le livre s’achève.
Ce n’est pas une page qui se tourne, c’est un livre qui s’achève.
Nous ne sommes pas encore partis que je suis déjà nostalgique de ce pays. Je vois déjà à chaque coin de rue un souvenir, une vie qui n’existe déjà plus.
Revenir, c’est plus dur que de partir.
Partir, c’est imaginer un retour.
Revenir, c’est quitter une vie.
L.